Wednesday, December 15, 2010

ET SI LES PAUVRES DEVENAIENT PLUS RICHES QUE LES RICHES ?

David Copperfield en Livre de Poche: 1024 pages pour 7,60 euros

Actes d’achat avant Noël, attaques et crachats à la pelle contre l’essentiel, invasion du superflu, culte du contenant, néant du contenu. De quoi donner la nausée, la même qu’éprouveront tous ces cons-sommateurs après ripailles et beuveries au réveillon. L’avalanche de tablettes tactiles, smartphones, consoles et box multifonctions, écrans plats pour images en relief et films de bouffons, jouets gadgets, électronique ta mère, came techno-toc made in China dégueulée dans des forêts de sapins païens, émerveillera une fois encore les yeux de nos chers rupins, nos chérubins.
Tu te plaints que c’est la crise, crétin ?
Alors au lieu de t’endetter à taux zéro pour vite te payer de la vétille high tech qui te rendra accro et dont tu n’utiliseras que le nano millième des capacités, au lieu de souscrire au marketing qui met des bits dans ton cerveau, qui rend indispensable l’inutile et te transforme en robot, réapprends à tes gosses à rêver, à réfléchir, à créer. Donne-leur de la musique et de la littérature, du cinéma et de la peinture. Offre-leur à lire autre chose que des modes d’emploi ou des consignes de systèmes d’exploitation : un livre avec une vraie histoire. Fais-leur écouter autre chose qu’une bande son d’animation ou un produit de fast star: un disque avec de la vraie musique. Montre-leur autre chose que des images virtuelles reconstituées: un film avec de vraies personnes. Paye-leur une entrée de musée pour leur montrer des œuvres impérissables plutôt que de les emmener voir une comédie musicale à la mode promue par les médias. Inscris-les dans un cours d’arts martiaux au lieu de les inciter à se tortiller comme des débiles devant une télé avec une manette en plastique dans la main. Apprends-leur que David Copperfield n’était pas magicien, que Lennon n’est pas vendeur chez Citroën, qu’avant le Roi Lion il y avait le Roi Lear.
Une idée me vient, soudain.
Et si ceux qui n’avaient pas de fric offraient juste un livre, un disque, un film, une entrée de musée, un kimono ? Et si les pauvres devenaient plus érudits, plus sages, plus sains d’esprit, plus riches que les riches ?
Là, ce serait une véritable révolution. Chiche !

Le meilleur de Mozart en 2 CD pour 12 euros.

Monday, December 06, 2010

ET SI ON ARRETAIT DE REGARDER LE FOOT?


Cantona, en manque de médiatisation, invite la population à retirer aujourd’hui l’argent des banques, responsables de la crise. Dans le genre suggestion à la con, on peut aussi refuser de consommer l’un des nombreux produits dont Cantona fait la publicité à la télé, Renault, L’Oréal, casinos Partouche, Neuf Telecom, Liptonic, rasoirs Bic, Nike, Sharp… On peut aussi décider de ne pas aller travailler ce mardi pour faire chier son patron, ne pas manger pour se venger des restaurateurs qui nous font bouffer de la merde, refuser d’acheter des cadeaux de Noël pour niquer la grande distribution.
J’ai une meilleure idée, plus simple aussi: et si on arrêtait de regarder le foot ? Au lieu de claquer notre fric dans la sueur corporelle et la bière bon marché, on le mettrait dans une place de cinéma ou de concert, une entrée de musée ou un livre. Et puis surtout, il n’y aurait pas de coupe du monde au Qatar, pas de constructions de stades monumentaux climatisés, pas cinquante milliards d’euros balancés sur le sable pour regarder des crétins milliardaires en short grassement sponsorisés par les multinationales qui tirent les ficelles du système dénoncé par ce couillon de Canto.

PRIX CINECINEMA FRISSONS 2011



Lorsqu’on m’a proposé de faire parti du jury du Prix Ciné Cinéma Frissons qui vient d’être créé pour récompenser le roman de demain catégorie polar, j’ai d’abord pensé « encore un prix littéraire ». D’autant plus que je fais déjà parti du jury du Grand Prix de Littérature Policière, la plus haute distinction du genre, sorte de Goncourt du polar récompensant les deux meilleurs romans policiers, français et étranger, parmi tous ceux qui sont publiés chaque année. Soit deux œuvres incontournables. Or je dois l’avouer, il nous est arrivé certaines années, d’honorer non pas le meilleur roman, mais le moins mauvais.

Car la qualité de la production, inversement proportionnelle à sa quantité, a baissé. On assiste aujourd’hui à une industrialisation effrénée de la littérature. Les rotatives des imprimeries tournent à plein régime, plus vite que des planches à billets. Les auteurs et les titres se multiplient, transformant des forêts entières en pages indigestes, en récit ineptes, en best-sellers annoncés pour cerveaux de dix ans. Et encore, je ne parle pas de la littérature Blanche, celle qui donne aux lecteurs un point de vue nombriliste ou wikipédien sur le monde, sinistrée depuis que les médias ont réalisé que la médiocrité était plus payante que la modestie. Non, je parle de la vraie littérature, la Noire, celle du crime, celle qui reste, jadis signée Shakespeare ou Dostoïevski, et qui à son tour est menacée par le marketing et le manque d’inspiration. Elle inonde les librairies de « prêt à tuer », de titres racoleurs, de couvertures gaufrées et criardes, de quatrièmes de couverture qui vous décrètent quotidiennement qu’un nouveau maître du thriller est né.

La situation exceptionnelle qui devrait pousser chaque auteur à se lancer dans l’aventure d’un roman est devenue une situation courante, voire de surenchère. Surenchère dans le sordide, le gore, le glauque, le tordu. De plus en plus de cadavres et de pervers. Le ressort dramatique relève du fait divers, de la logique de commissariat. Les caractères des personnages sont usés jusqu’à la corde qui leur reste pour se pendre. La thématique frise le néant. Les auteurs ne se demandent même plus à quoi rime leur entreprise. Chacun prétend avoir trouvé le mal absolu. Aucune originalité, aucune nouveauté. Sans parler du style, scénaristique, qui menace dangereusement la langue elle-même. A quelques exceptions près, plus personne ne prend de risque. On s’engouffre dans les voies ouvertes par les précurseurs, on se nourrit des Racines du mal, on s’abreuve aux Rivières pourpres.

Dans « Ecriture », Stephen King dresse une pyramide des écrivains : les médiocres, les compétents, les talentueux et les génies tout au sommet. La surproduction littéraire et le business ont submergé le marché d’ouvrages écrits par des auteurs médiocres ou compétents, avalisés par une pléthore de prix littéraires complaisants, de critiques paresseux, de lecteurs moutons et de vendeurs de papier.

Le Prix Ciné Cinéma Frissons s’avère finalement une formidable occasion non pas de récompenser ce qui se fait de mieux aujourd’hui, mais ce qui se fera de mieux demain. Ce prix a des allures de tête chercheuse. Il n’aura d’utilité que s’il traque le roman qui ouvrira une nouvelle voie, qui ne répètera pas ce qui a été déjà écrit mille fois, qui repoussera les limites du genre. En quête d’une œuvre visionnaire et de l’écrivain talentueux, celui qui est situé au troisième étage de la pyramide de Stephen King.

Rendez-vous début 2011.