Wednesday, March 31, 2010

AILLEURS

Quatre mois se sont écoulés depuis le dernier post rédigé à la veille de ma tournée en Allemagne. Désolé d’être resté aussi longtemps ailleurs. Mais il me fallait mettre un point final à La Dernière Frontière commencée trois ans auparavant. M’isoler à la manière de Paul Sheldon dans Misery de maître King. Ne pas tomber sur une Annie Wilkes prête à me torturer pour influer sur le sort de Nathan Love et changer la fin de ce volumineux troisième opus.
Le manuscrit est aujourd’hui terminé, entre les mains du Diable Vauvert qui va le transformer en bel objet. Une couverture est déjà choisie. Une date de sortie aussi : ce sera le mois d’octobre.
Pendant ce temps le monde continuait de tourner, mêlant la bêtise crasse et l’éclair de génie, l’ignominie et la beauté, la fange et l’or, la haine et l’amour, le yin et le yang. Autant d’ingrédients de la perfection refusée par les hommes qui au monde parfait préfèrent un monde meilleur. Ce postulat est d’ailleurs à l’origine du Dernier Testament, de La Dernière Arme et de La Dernière Frontière.
En octobre prochain, mon roman sera sous les luminaires des libraires et atterrira sur des linéaires encombrés de romans nombrilistes, de policiers narrant la traque d’un énième psychopathe fantaisiste, de thrillers politiques ou apocalyptiques, de polars pépères, d’histoires insignifiantes aux titres niaisement racoleurs dans le genre Jamais je n’oublierai que tu ne reviendras pas ou Et si je croyais que tu étais encore vivante ? ou même, allons-y franco: Chéri tu veux passer du bon temps ?
Pourquoi jeter un travail de trois ans au milieu de tout ça ? A cause de tout ça, justement. Pour offrir à lire ce que j’aimerais lire et que je ne trouve pas chez les autres. Guidé par une exigeante et triple ambition : toucher le cœur, toucher l’esprit, toucher l’âme. Comme l’a dit Mel Gibson en d’autres termes: Entertainment, Education, Elevation.
Car un écrivain, de Blanche comme de Noire, doit transformer le regard du lecteur sur ce qui l’entoure, l’aider à être clairvoyant, lui fournir des clefs, lui proposer une vision alternative. Le monde est difficile à appréhender. Comment en effet regarder un monde où un Anglais arrêté en Chine en possession de 4 kg de drogue est exécuté par injection létale tandis que deux Françaises arrêtées en République Dominicaine en possession de 6 kg de drogue sont accueillies en grande pompe en France par le secrétaire d’Etat à la Coopération ? Comment considérer un monde où des électeurs irakiens et afghans risquent leur vie pour aller voter et installer une démocratie, pendant que les peuples des vieilles démocraties boudent des urnes convoitées par des politiciens arrivistes et cupides ? Comment comprendre un monde où des Rouges se font passer avec succès pour des Verts tout en phagocytant les possibilités d’une vraie écologie? Comment juger un monde où l’on condamne les propos d’un Zemmour qui affiche avec franchise et conviction son machisme et son nationalisme réactionnaire pendant que l’on encense l’intolérance d’un Guy Bedos qui se déclare vouloir frapper le Zemmour en question quand il l’aura en face de lui ? Comment prendre de la distance avec un monde où le conformisme et la pensée aussi commune que despotique dictent ce qui est bien et ce qui est mal à ceux qui n’ont pas le temps ou le courage de penser par eux-mêmes? Comment adhérer à un monde dans lequel il faut lécher des culs ou séquestrer des patrons pour se payer une vie de con qui coute la peau des couilles ? Comment concevoir un monde sans Geneviève de Fontenay à la tête des Miss France?
La réponse est dans les livres, dans les films, dans la musique, dans les voyages, dans le rêve. La réponse est ailleurs.
Au cours de ces derniers mois, j’ai revu trois films qui vous emmènent dans cet ailleurs et vous montrent la perfection du monde. Trois films qui touchent le cœur, l’esprit et l’âme : Locataires de Kim Ki Duk, The Big Lebowski des frères Coen et Fisher King de Terry Gilliam. A noter que deux d’entre eux sont interprétés par l’immense Jeff Bridges enfin récompensé cette année par l’académie des Oscar.
Côté lecture, je vais pouvoir m’y remettre et organiser ma propre rentrée littéraire. Attention, il va y avoir du lourd Au Diable Vauvert qui lance des pavés dans les eaux dormantes et marécageuses du thriller français avec Cristal Défense de Catherine Fradier qui vient à peine de sortir et Résurgences de Ayerdhal à paraître bientôt. Je me plongerai dans Trigone de Guillaume Lebeau récemment publié chez Phébus ainsi que dans La Guerre des vanités de Marin Ledun dans la Série Noire. J’ouvrirai aussi Metacortex de Maurice Dantec et Incidences de Philippe Djian. Si vous avez déjà lu l’un d’eux, n’hésitez pas à me communiquer vos réactions.

On arrive à la fin du post, comme dirait l’Etranger dans The Big Lebowski. L’Etranger qui disait aussi avec sa voix de cow-boy : « Le Dude est bien là. Je ne sais pas pour vous, mais moi ça me rassure de savoir qu’il est là, dehors, le Dude, se la jouant cool pour nous tous, pauvres pêcheurs. J’espère qu’il gagnera la finale… »

A méditer.

En cadeau, voici la couverture et la première phrase de La Dernière Frontière. Je les dédie à tous les lecteurs qui se sont déplacés ce week-end au salon du livre de Paris pour échanger quelques mots avec moi, en particulier Malory, Sébastien, Laurence, Jean et Martine, Sophie, Philippe, Nicolas.

Soudés par la peur, les quatre membres de la famille Hinckley n’entendaient qu’un seul bruit : le ronflement mécanique du groupe électrogène qui alimentait le mobile home et rappelait à ses occupants qu’ils étaient loin de la civilisation…


Je pars dans quelques jours sillonner les rivages de la Méditerranée et de l’océan Atlantique pour vous ramener les décors d'un prochain roman.
Ailleurs, toujours…

Hasta la vista !