Thursday, November 06, 2008

NAISSANCE ET MORT UN 4 NOVEMBRE

Je rentre d’un court voyage en Andalousie, un de plus, après avoir fait le plein d’images et de sons. Des images de soleil, de villages aussi blancs que zen, d’une Séville à la fois sémillante et alanguie sous le seul coin de ciel bleu actuellement en Europe, une Séville qui reste l’une de mes villes favorites avec San Francisco et Venise. Des sons rock parce que l’Andalousie n’a pas que des airs de flamenco, mais aussi des groupes comme Pereza, Fito y Fitipaldis, Canto del Loco, Extremoduro ou Ragdog, à écouter d’urgence si vous ne connaissez pas.

Me voilà donc de retour dans une France pluvieuse et sclérosée, avec son cortège de grévistes allergiques au changement, de caciques indéboulonnables, de partis politiques écrasés par une hiérarchie stalinienne. Au même moment, l’Amérique écrivait une nouvelle fois l’histoire.

Avant de célébrer la victoire de Barack Obama, je m’étais visionné l’intégralité de la première saison de « 24 heures chrono », série emblématique de l'ascendant de la fiction sur la réalité, témoignant du pouvoir des scénaristes qui font l’histoire avec un grand H comme Hollywood. Il y a sept ans déjà, ils imaginaient David Palmer, candidat Noir à la présidentielle américaine, jeune, intègre, ambitieux, charismatique. On comprend mieux, à la lueur du 4 novembre que les auteurs de la série soient sollicités comme consultants auprès de l’administration américaine ou comme conférenciers à l’académie militaire de West Point, voire considérés comme une référence auprès de la Cour suprême des Etats-Unis.

A travers leurs grands électeurs, 64 millions d’Américains (un record) ont osé voter pour un candidat biracial comme ils disent, né à Honolulu, dont le deuxième prénom est Hussein, élevé sans religion, petit-fils d’un guérisseur africain et d’une grand-mère d’origine cherokee, fils de parents divorcés dont le père kenyan ayant sombré dans la misère et l’alcoolisme avant de se tuer en voiture fut remplacé par un beau-père indonésien. Diplômé de Harvard avec mention bien, ardent défenseur du rêve américain et de la realpolitik, Barack Obama s’est lancé dans la campagne présidentielle avec des slogans efficaces (« yes, we can ») et un budget record de 600 millions de dollars (4 fois plus que celui de McCain).

La ligne de politique étrangère de Barack Obama ne se distingue pas foncièrement de celle de la famille Bush. George Walker ayant fait le sale boulot, Obama n’aura plus qu’à accomplir un retrait gratifiant et en douceur des troupes d’Irak. Le programme du quarante-quatrième président se démarque plus dans les domaines de l’économie, de la politique sociale, de l’écologie, de la recherche. Mais le nouvel élu se différencie surtout par le formidable élan qu’il suscite dans son pays ainsi que sur la planète qui aurait voté pour lui à 85%. Un président américain qui créé autant de liesse et d’espoir sur tous les continents a la stature d’un président du monde.

Le jour de sa victoire, Obama a cité dans son discours l’anecdote d’une vieille femme Noire de 106 ans qui est allée voter, après avoir connu la ségrégation raciale, le voyage sur la lune et l’effondrement du mur de Berlin. Comme ses prédécesseurs, B.O. manie le storytelling à merveille. Ses discours sont taillés sur mesure, par un jeune de 26 ans. Comme dans « 24 heures chrono ».

Plus qu’un héros de fiction, Barack Obama est une allégorie. Une allégorie de la victoire des Etats-Unis avant-gardistes, de la démocratie anglo-saxonne, du métissage, de l’universalité, du marketing politique, des scénaristes américains et du storytelling.

Classé en mai dernier par Time magazine comme l’une des trois personnes les plus influentes du monde aux côtés du Dalai-Lama et de Vladimir Poutine, Barack Obama vient de gagner une longueur d’avance sur le peloton de tête. Il dépendra de lui d’en faire bon usage. Il dépendra surtout de ceux qui l’influencent. Car les maîtres du monde sont derrière lui. Ceux qui ont vu « 24 heures chrono » ou lu « La dernière arme » savent de quoi je parle.

Je terminerai cette chronique par un hommage à l’un de ces fameux scénaristes qui ont imaginé l’histoire du monde. Michael Crichton, l’auteur qui réussissait à vendre au cinéma les droits de livres qu’il n’avait pas encore écrits, le créateur de « Urgences », « La Variété Andromède », « Mondwest », « Looker », « Jurassic Park», « Soleil Levant », « Harcèlement »… s’est éteint. Michael Crichton imaginait le futur avec inquiétude en se servant des notion médicales et scientifiques acquises à Harvard. Clonages, chirurgie esthétique, intelligence artificielle, robotique, évolution de l’espèce, climatologie constituaient les thèmes de ses thrillers qui dépeignaient un avenir peu radieux.

Michael Crichton s’est éteint un 4 novembre, le jour où deux petits Barack naissaient dans une maternité au Kenya.