Monday, May 26, 2008

FESTIVAL DE CANNES 2008


Au terme d’un suspense digne d’un film de Rohmer, le palmarès est enfin tombé sur Cannes, en même temps que la pluie. Sean Penn et son jury ont élu sans peine les heureux lauréats. Ont ainsi été récompensés : un film sur une classe de collège parisien, un film sur la mafia napolitaine, un film sur Giulio Andreotti, ancien premier ministre italien pour ceux qui l’auraient zappé (j’attends la version française sur Lionel Jospin) et un film sur Che Guevara. Sans oublier les frères Dardenne qui, eux, ont pris un abonnement au festival. Je pense que tant qu’il est dans le Sud de la France, Sean Penn est mûr pour présider le 19ème Festival International du Documentaire qui se tiendra à Marseille en juillet.
Je n’ai vu aucun de ces films, ni « Entre les murs », ni « Gomorra », ni « Il Divo », ni « Che », donc je ne me prononcerai pas sur leurs défauts, ni sur leurs qualités. Je dirai juste : sale temps pour les artistes imaginatifs et les metteurs en scène virtuoses qui veulent raconter des histoires originales. Et quand je vois les gros titres des médias qui se félicitent de la « victoire de la France » dans cette compétition comme s’il s’agissait d’une coupe du monde de foot, j’ajouterai seulement quatre mots : on est les champions.
Pendant que le gotha en smoking et en paillettes se payait des tranches exotiques de quotidien chez les petites gens, filmées comme à la télé avec du grain plein le cadre, moi je me revoyais « Rain Man » de Barry Levinson, venu d’ailleurs présenter son dernier film en soirée de clôture. Cela m’a rappelé combien Dustin Hoffman était grand, et pourquoi Tom Cruise était devenu une star. Et comme on a beaucoup parlé des réalisateurs français ces derniers temps mais pas forcément des meilleurs, je vous conseille deux films que j’ai vu récemment, réalisés par des gars de chez nous. D’abord « 2ème sous-sol » produit par Alexandre « la colline a des yeux » Aja et réalisé par Franck Khalfoun. Le principe : faire peur avec un psychopathe, une fille et un parking. Et ça marche. Spielberg nous avait bien tenu en haleine pendant 1h30 avec un camion et une voiture. L’autre film est encore plus « âmes sensibles et végétariens s’abstenir ». Il s’agit de « Frontière(s) » de Xavier Gens avec une Karina Testa qui en prend plein la tronche et un Samuel Le Bihan méconnaissable. Dans une époque violente on l’on se bastonne sévère dès que le monde ne tourne pas comme on veut, qu’on soit pêcheur breton ou Sud-Africain, Xavier Gens nous montre jusqu’où peut aller l'inhumanité qui est en chacun de nous. Un peu à la manière de Gaspar Noé qui nous avait montré les limites de la vengeance à ne pas dépasser, Xavier Gens nous montre celles de la bestialité.
Il faut se réjouir de ces vrais films de cinéastes fous de cinéma, habités par un imaginaire débridé, animés par une énergie débordante et obsédés par l’envie d’arracher le spectateur à son quotidien pour l'emmener sur les sentiers mal fréquentés d’un cinéma de genre. Il est normal aussi que ces desperados du septième art ne soient pas invités à se fendre d’une courbette et d’un baisemain pour recevoir une joaillerie 24 carats de chez Chopard scellée sur un coussin en cristal dans un écrin en maroquin bleu.

P.S. Sydney Pollack est mort cette nuit. Un grand cinéaste est parti. Heureusement, il reste ses films. Je crois que je vais me revoir "The Yakuza" ou "La firme".

Monday, May 19, 2008

La Cambuse versus la Croisette

La douzième édition de la Cambuse du Noir (festival du polar de Valence) vient de refermer ses portes. Certes, il y a eu moins de fréquentation qu’à Cannes, moins de marches à monter, moins de paparazzi, mais il y a eu autant de nuages noirs et de stars. Et surtout beaucoup plus de chaleur humaine que sur la Croisette. Alors du coup, je me fends d’un Cambuse Hall of Fame :

Je commence par le grand Ayerdhal qui s’est investi dans l’organisation du salon, un écrivain aussi doué qu’humain, un rebelle un vrai, un mec bien comme on n’en fait peu, et qui est en train de nous préparer un choc littéraire pour 2009.
Alain, libraire libre qui sait recevoir, aussi bien les auteurs que leurs lecteurs, un sens de l’accueil dont on peut jouir quotidiennement en allant au « Baz’Art des Mots » à Hauterives.
Cladie, fidèle lectrice shamanique et ancienne chroniqueuse du Journal du Polar, qui est train de monter sa maison d’édition.
Pampa, ami lecteur et parasiteur de mon blog, qui a déboulé sur mon stand avant d’attaquer courageusement ses courses à Leclerc, pour m’offrir des bouquins de Thomas Day et son album des Unwalkers que je suis en train de kiffer grave (et aigu) en écrivant cette kronik. Merci Dominique.
Hervé Jubert, fantastique auteur qui nous montre qu’il n’y a pas qu’Harry Potter dans la vie des Djeuns.
Catherine Fradier pour laquelle il faudrait inventer un mot signifiant « collectionneuse de prix littéraires » et qui est venue rafler à la Cambuse celui du polar derrière les murs.
Jean-Claude, libraire résistant balayé par l’occupant mais qui restera toujours dans la mémoire des auteurs de polar qui ont défilé sur ses rayons.
Corinne et Jacques de la Noir’Rôde aussi indispensables à un festival de polar qu’une chorale à une messe ou qu’une vache à un train.
Patrick Bard en escale à Valence, entre deux voyages, entre mots et photos, entre « Le chien de Dieu » et le Guatemala.
Gilles Del Pappas, venu mettre une pointe d’accent marseillais sous le ciel gris de Valence, en compagnie de ses « Cent femmes » et de son « Indien Blanc » que je vous recommande chaudement.
Pierre Hanot, le poids les mots, le choc du rock, une animation à lui tout seul.
Marin Ledun venu dédicacer son « Marketing viral » qui devrait en empêcher quelques-uns de dormir.

J’en oublie mais tant pis, il fallait venir à la Cambuse pour avoir la liste complète. Je finis d’écouter « Killer pulsion » et je me remets au travail, avant de vous retrouver à la Comédie du Livre de Montpellier dans quinze jours.

Tuesday, May 06, 2008

MORT AUX CONS



Les gens meurent brutalement par dizaines de millions aux quatre coins de la planète. Dans les supermarchés, aux péages des autoroutes, dans les files d’attente, sur les plateaux de télévisions, dans les casernes et les commissariats, dans les foires agricoles et automobiles, sur les routes des vacances, dans les stades de foot, dans les rassemblements religieux et politiques, dans les défilés de mode, de banderoles, de chars…
Morts par implosion crânienne.
Des articles récents parus dans des revues scientifiques sérieuses telles que New Scientist ont révélé que des chercheurs français et américains sont parvenus à isoler le VNH (Virus de la Neurodéficience Humaine), un virus qui a contaminé l’humanité. Ces articles sont passés inaperçus auprès des masses plus friandes de peopleries que de vérité. Jusqu’à aujourd’hui, on ne déplorait que des victimes indirectes, à travers des maladies opportunistes apparues chez les sujets porteurs de la maladie, telles que l’agressivité, la xénophobie, le nationalisme, la soumission, l’intolérance, le grégarisme…
Au cours de sa propagation, le VNH a muté pour devenir létal. Toutes les personnes atteintes du SNDA (Syndrome de Neurodéficience Acquise) que l’on qualifie vulgairement de CONS (Citoyens Ordinairement Neurodéficients) périssent de façon fulgurante…
Tel pourrait être le début d’un roman d’anticipation qu’on pourrait intituler DUMBS DEATH et que peu de gens liraient puisque les cons ne lisent pas, encore moins du fantastique. Il est bien connu que les cons ne lisent que ce qui est conçu pour eux, chié par des auteurs peu scrupuleux atteints de gastro-entérite, sacralisé par les médias, de préférence avec un gros bandeau sur la couverture ou bien la tête de Sarkozy (76 livres lui ont été consacrés depuis un an).
Ce pitch apocalyptique nous rapproche de celui du prochain film de Night Shyamalan (sortie en juin!) qui commence par une multiplication des suicides dans le monde. Le début de mon histoire n’est pas si différente, puisqu’elle s’ouvre sur des centaines de millions de morts soudaines. La planète y est débarrassée de la bêtise, principale cause de sa dégradation, bien plus que ne peut l’être le profit ou le réchauffement climatique. Einstein avait déjà essayé de mesurer le syndrome. Mais il en était arrivé à la conclusion suivante, désormais célèbre : « Deux choses sont infinies : l’univers et la bêtise humaine. Et encore, je n’ai pas acquis de certitude absolue en ce qui concerne l’univers ». Fausto Fasulo, rédacteur en chef de « Mad Movies » a de son côté rédigé un édito dans le numéro d’Avril où il déplore que le fantastique n’a aucune chance de percer en France. L’édito qui tente d’alerter la minorité qui n’est pas encore contaminée, s’intitule « Bienvenue chez les cons ». Cela signifie-t-il que le foyer d’origine du VNH serait la France ?
Les symptômes de la maladie sont faciles à repérer : une apathie intellectuelle (même si, comme l’avait noté Audiard, le con ne se repose jamais, à la différence des voleurs), des certitudes et surtout un degré élevé de conditionnement. Les cons possèdent en effet plus de 3000 particules de conditionnement. Ils sont de niveau 1 et 2 sur l’échelle de Gurdjieff qui en possède 14 (cf « chapitre 155 de La Dernière arme »). Ils représentent 80 % de l’humanité. Ceux qui sont infectés par le VNH sont généralement soumis à la hiérarchie, leur vie est régie par les peurs, les dogmes, les règlements, les traditions, les comportements de masse. Ils croient aux valeurs de la société, à l’information, l’éducation, l’Etat, l’écologie, le socialisme ou un autre truc en « –isme ». Les cons ont des convictions. Ils vivent en deçà des limites imposées, consomment ce qu’on leur dit de consommer. Quand il pleut, ils se ruent vers les zones commerciales ouvertes spécialement pour eux le dimanche. Quand il fait soleil, ils roulent en diesel pour emmener leurs gosses au zoo ou au jardin public. Car le con sort ses gosses comme il sort son chien. Les cons vont voir des films faciles avec des acteurs rigolos car ils ont besoin de rire pour oublier leur existence de merde. Les cons connaissent le nom de Miss France mais pas le nom du dernier prix Nobel de littérature. Ils ont l’esprit fermé et sont dépourvus de curiosité. Ils ne vont que vers ce qu’ils connaissent. Si on ne parle pas de vous à la télé, vous n’intéressez pas les cons. Ils ne savent pas faire la différence entre un téléfilm et un film de cinéma, entre la variété formatée par la télé et la vraie musique, entre un écrivain et un scribouillard médiatique près à pondre n’importe qu’elle histoire simplette ou paillette pour se faire du fric sur leur dos. Car il en faut des astuces pour l’attirer vers le livre, le con qui préfère aux librairies, les magasins de bricolage et les solderies. D’ailleurs, des sociétés de VPC ont trouvé la parade en allant chercher le con chez lui et en l’obligeant à commander régulièrement des bouquins Harlequin après l’avoir appâté avec des livres de recette et de diététique.
La fin de mon histoire serait celle de l’humanité, vieux dinosaure sans cervelle qui en crevant, redonnerait à la Terre sa spiritualité.



P.S. Dimanche soir, sur Arte, il ne fallait pas rater « Metallica : dans l’intimité d’un monstre », un docu vérité comme jamais sur ce groupe colossal en crise et en gestation de son dernier album « St Anger ». Les affres de l’ego et de la création musicale. Un vrai bonheur qui redonne foi en l’humanité. Avec un peu de chance, le film repassera.
Continuez à écouter du Rock, à lire et à voir des films fantastiques. Vous serez des survivants!